Article des Echos – Transport aérien : les écoles de pilotage en pleine crise
Transport aérien : les écoles de pilotage en pleine crise
La société PFT Aero, née après la liquidation d’Airways College, vient à son tour d’être placée en redressement judiciaire. Les difficultés se multiplient dans le secteur, notamment en raison d’un manque de contrôle de l’administration, alors que la demande des compagnies aériennes existe.
Des turbulences et des crashs qui s’enchaînent. Les temps sont difficiles pour les écoles de pilotage. Début avril Eatis, une école créée par quatre anciens pilotes sur l’aérodrome de Strasbourg Entzheim, mettait la clé sous la porte.
Une liquidation qui survenait après celle d’Alpes Aero en décembre 2022 à Annecy. Quant à la société PFT Aero, née sur les décombres d’Airways College , elle a été placée en redressement judiciaire début août avec une prolongation de son activité jusqu’au 12 septembre. Dans l’entreprise installée au sein des locaux de l’aérodrome d’Agen qui emploie une quarantaine de personnes et gère une centaine d’élèves en cours de formation, on craint même une liquidation pure et simple.
Coup de semonce
Par son ampleur, la déroute d’Airways College, avec 250 élèves en cours de formation en avril 2021 au moment de la liquidation, avait pourtant sonné comme un coup de semonce . Le Ministère des transports avait fait un effort pour qu’une trentaine d’élèves terminent leur formation au sein de l’Ecole nationale d’aviation civile (ENAC).
Outre des financements des collectivités, PFT Aero, dont les dirigeants sont aujourd’hui injoignables, avait surtout bénéficié du soutien de ses propres élèves à hauteur de 1,5 million d’euros. Près de 150 d’entre eux qui avaient déjà dépensé 100.000 euros, avaient en effet réinvesti 10.000 euros pour terminer leur formation.
Ce nouvel accident industriel sera-t-il celui de trop ? Pour l’Association des professionnels navigants de l’aéronautique (Apna), les dérives observées chez Airways College sont toujours d’actualité ailleurs. L’association porte ainsi les dossiers de plusieurs élèves ayant un contentieux avec plusieurs écoles dont une dizaine avec Aston Fly.
« En France, c’est un peu le far-west. Une bonne partie de ces écoles sont créées sans moyens financiers et comptent sur le recrutement des premiers élèves pour financer leurs investissements. C’est une pyramide de Ponzi qui se termine parfois en faillite au détriment des élèves », assure Geoffroy Bouvet, le président de l’Apna.
Compétences non techniques
L’association, qui dénonce depuis des années les entorses à la réglementation (encaissement par avance des frais pédagogiques, contrats abusifs, instructeurs employés avec un statut d’autoentrepreneur…), réclame davantage de contrôles de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) qui ne « souhaite pas s’exprimer sur le sujet » mais aussi les Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS).
« La DGAC se borne à un simple contrôle technique. En contradiction avec la réglementation européenne, elle ne s’intéresse pas aux moyens financiers dont disposent ces structures alors qu’elle sait pourtant contrôler efficacement les finances des compagnies aériennes afin de protéger les passagers », dénonce Geoffroy Bouvet. En Grande-Bretagne, le rôle de la Civil Aviation Authority, l’équivalent de la DGAC, est aussi en question après la disparition de plusieurs écoles.
Pourtant, l’ essor du transport aérien, avec un besoin estimé de plus de 500.000 pilotes sur les vingt ans à venir ainsi que la fascination qu’exerce toujours ce métier, font que le secteur est toujours aussi attractif. Et de nouvelles écoles apparaissent un peu partout. A l’image d’Icare Flight Academy qui va se créer à Bergerac et à Nîmes par Icare Group, présent qui avait vu sa proposition de la reprise d’Airways College rejetée au profit de PFT Aero.
« Il est impossible de créer une école en région parisienne en raison de l’encombrement de l’espace aérien et des nuisances sonores », analyse Bertrand Vilmer, PDG d’Icare Group qui assure vouloir investir 2 millions d’euros.
Problème de programme
Le secteur est pourtant aussi mis en cause pour la qualité des formations dispensées qui ne correspond plus aux attentes des compagnies. Si bien qu’une grande partie des élèves obtenant pourtant leur brevet ne trouve jamais d’emploi. Un brevet de pilote sur deux n’étant d’ailleurs jamais renouvelé selon l’Apna.
« Le cadre réglementaire est figé dans le marbre depuis 26 ans et est essentiellement axé sur le pilotage alors que les demandes des compagnies vont désormais bien au-delà. Sur les neuf compétences exigées cinq d’entre elles, comme la conscience de la situation, le travail en équipe ou la prise de décision, ne sont pas techniques et sont pourtant clés pour la sécurité des vols », insiste Stéphane Larrieu directeur général adjoint de Mermoz Aviation.
Source : Les Echos – Frank Niedercorn
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